L’Union européenne lance un appel à la création d’usines d’intelligence artificielle

L’Union européenne lance un appel à la création d’usines d’intelligence artificielle

L'espoir du guichet unique

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L’Union européenne lance un appel à la création d’usines d’intelligence artificielle

La Commission européenne a lancé hier un appel pour que les pays membres se dotent d’usines d’IA. Ces usines viendront compléter le réseau européen de supercalculateurs pour être mises à disposition des structures en ayant besoin. Un Conseil sur la recherche en IA va également être créé pour rendre l’approche plus cohérente, après les remontrances de la Cour des comptes européenne.

Les ambitions de l’Union européenne en intelligence artificielle sont claires. Elles partent d’une urgence à travailler la souveraineté du Vieux continuent face aux immenses entreprises américaines et leurs moyens astronomiques. Mais elles témoignent aussi d’une volonté de concentrer les talents et d’en faire un domaine d’expertise.

Dans cette optique, la Commission a annoncé hier soir la création d’un réseau d’usines d’IA (« AI factories », dans le communiqué d'origine en anglais). Elles doivent fonctionner en réseau à travers tous les pays membres et fournir « un cadre européen unique de collaboration en matière d'IA ». Elles sont pensées comme le guichet unique pour faire appel aux ressources européennes dans le développement de modèles d’IA et leur entrainement. Une manière en somme de répartir les ressources de calcul du réseau EuroHPC.

Rappelons que parmi les neuf supercalculateurs faisant actuellement partie du réseau EuroHPC, trois font partie du Top 10 mondial : LUMI en Finlande, Leonardo en Italie et MareNostrum 5 en Espagne.

Une annonce attendue

Le 26 juillet, l’entreprise commune EuroHPC, qui vise à développer un écosystème de supercalcul de classe mondiale par la mise en commun des ressources de l’Union européenne, avait abordé la question des usines d’IA. Elle indiquait déjà qu’elle lancerait un appel à manifestation d’intérêt pour les pays qui souhaiteraient implanter de telles usines.

Celles-ci sont pensées comme une extension du réseau de supercalculateurs (actuels et à venir). Leur principale mission est de mettre à disposition les ressources à un plus grand nombre de structures, plus particulièrement les startups, PME et chercheurs. Bien qu’il soit en effet possible de passer par EuroHPC pour lancer de vastes calculs de type IA, les appels se font surtout sur de vastes projets. Les usines doivent donc s’insérer dans le maillage et favoriser l’émergence d’un grand vivier.

De multiples missions

La santé, l’énergie, les transports, l’automobile, la robotique, la défense, l’agriculture ou encore l’aérospatiale sont autant de domaines visés par la Commission européenne avec cette annonce. « Ces usines d'IA offriront un accès simplifié à un large éventail de services d'IA, notamment les outils essentiels, le développement des compétences et l'assistance aux utilisateurs », précise EuroHPC dans son communiqué.

« L'objectif des usines d'IA est de fournir à l'ensemble de la communauté scientifique européenne un meilleur accès à des capacités de calcul optimisées pour l'entraînement et le développement à grande échelle de modèles d'IA à usage général, ainsi que pour le développement, la validation et l'exploitation d'applications d'IA émergentes », ajoute l’entreprise commune. L’éducation, la formation, la qualification et la reconversion font également partie des missions.

Les usines d’IA doivent en outre favoriser le développement et le déploiement des espaces européens communs de données, qui pourront bien sûr être exploités par les usines d’IA.

2 milliards d’euros de budget supplémentaire

L’appel ne sera pas permanent. Le but étant de produire un grand coup d’accélérateur, il durera jusqu’au 31 décembre 2025. La première échéance est programmée pour le 4 novembre, puis tous les trois mois, jusqu’à épuisement des fonds. À chaque date butoir, des projets seront sélectionnés.

Concernant les fonds, la Commission évoque une contribution de l’Union européenne à hauteur d’un milliard d’euros, provenant du programme pour une Europe numérique et d'Horizon Europe. Cette somme sera complétée par un autre milliard d’euros, financé par les États membres.

Les projets présentés, qui peuvent être publics, privés ou les deux, pourront être financés à hauteur de 15 millions d’euros sur une période maximale de trois ans.

Un Conseil européen de la recherche sur l'IA

La Commission annonce également la création prochaine d’un Conseil européen de la recherche sur l'IA. Il aura principalement deux missions : la mise en commun des ressources ainsi que l’étude de l’exploitation du potentiel des données « pour soutenir l'IA et d'autres technologies ».

La Commission n’en parle bien sûr pas dans son annonce, mais la création de ce Conseil survient quelques mois après les critiques de la Cour des comptes européennes. Celle-ci, dans son rapport « L’UE face au défi de l’intelligence artificielle » (pdf), mettait en avant plusieurs problèmes. Elle pointait ainsi le manque de suivi des projets financés par l’Union et l’absence d’une gouvernance forte, entrainant une perte de coordination et donc de moyens.

« En conclusion, nous constatons que les mesures prises par la Commission et les États membres n’ont pas été efficacement coordonnées en raison du peu d’outils de gouvernance disponibles, de leur mise en œuvre partielle et d’objectifs obsolètes. Par ailleurs, les investissements de l’UE dans l’IA n’ont pas suivi le rythme dicté par les leaders mondiaux dans ce domaine », indiquait notamment l’audit de la Cour des comptes.

Les annonces de la Commission vont effectivement dans le sens d’une approche plus structurée des dépenses. L’arrivée du Conseil devrait participer à une plus grande cohérence de l’approche, qui ne se bornerait plus à seulement injecter de l’argent.

On ne sait pas encore comment sera constitué ce Conseil européen. Nous avons posé la question à la Commission et mettrons à jour cette actualité en cas de réponse.

Réjouissances à Commission européenne

Ursula von der Leyen, récemment reconduite pour cinq ans à la tête de la Commission, s’est bien sûr enthousiasmée pour cette annonce :

« Au début de cette année, nous avons tenu une promesse de mon discours sur l’état de l’Union en ouvrant nos ordinateurs à haute performance aux jeunes pousses européennes dans le domaine de l’IA. Aujourd’hui, notre prochain objectif est clair : l’Europe doit devenir un leader mondial de l’innovation dans le domaine de l’IA. Les usines d’IA contribueront à sécuriser notre position à l’avant-garde de cette technologie transformatrice, comme indiqué dans mes orientations politiques pour la prochaine Commission ».

« En exploitant le potentiel extraordinaire de nos supercalculateurs, les usines permettront aux PME, aux scientifiques et aux jeunes entreprises européennes de se développer en tant qu’innovateurs dans le domaine de l’IA, et de donner le pas à l’UE dans ce domaine », a réagi de son côté Margrethe Vestager, la célèbre commissaire à la concurrence.

Celle qui finit sur une double victoire contre Apple et Google, se retirera cependant en novembre. Le Danemark n’a en effet pas renouvelé sa candidature au futur collège de la Commission européenne, qu’Ursula von der Leyen doit présenter dans quelques jours.

« Avec le lancement des usines d’IA, nous profitons de l’un des plus grands atouts de l’Europe : nos supercalculateurs de classe mondiale. […] Cela fera de l’Europe le meilleur endroit du monde pour une IA digne de confiance », a de son côté déclaré Thierry Breton, commissaire au marché intérieur.

Commentaires (5)


des usines à intelligence artificielle, c'est pour compenser la fuite des cerveaux?
Des usines d'intelligence, quelle bonne idée.
« appel à la création d’usines d’intelligence artificielle »???
Ne faut-il pas d'abord créer une ou des Écoles d'Exorcisme de la Bêtise Politicienne ?
Si ils pouvaient faire un Airbus de l'IA, ça donnerait un peu d'air face aux nouveaux monopoles d'outre atlantique, par contre, je ne vois pas bien l'intérêt de multiplier les projets quand on veut les coordonner, c'est un peu à l'envers.
ça me rappelle que la boite qui a tué java, openoffice et mysql va créer un datacenter spé IA alimenté par 3 micro centrales nucléaires (SMR)...
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